Une histoire d’amitié sur fond historique très sombre.

Les Editions de la Gouttière, c’est une maison d’édition indépendante qui publie de la BD jeunesse, notamment pour les enfants qui ne savent pas encore lire. Leur catalogue comprend en effet une vingtaine de BD sans texte, comme les séries « Anuki » ou « Les Trappeurs de Rien » (deux très chouettes séries d’ailleurs!), et puis des BD avec du texte, comme « Enola ».

BD jeunesse Pension moreau tome 1 Les enfants terribles
La Pension Moreau, Tome 1: « Les enfants terribles »

La Pension Moreau, un bagne pour enfants.

Années 30. La Pension Moreau se tient à l’écart de la ville et accueille des enfants dont les parents, souvent fortunés, ne savent plus quoi faire.

Vous connaissez les règles de notre pension.Vous nous confiez votre enfant définitivement. A charge pour nous de lui apprendre à vivre et de le replacer dans le droit chemin. (T1, p.7)

Cet endroit austère est tenu par des animaux effrayants aux allures humaines : le Professeur Turoc, un hibou, et ses employés dont Rastoc, le renard chargé de l’instruction et Mastoc, le sanglier faisant office de gardien pénitentiaire.

Les chambres ressemblent à des cellules de prison, avec des barreaux aux fenêtres. Brimades, coups, insultes, humiliations, corvées ingrates et instruction rythment le quotidien des enfants. Au moindre écart, c’est le cachot. Ils sont 30 pensionnaires et des nouveaux arrivent régulièrement. Pourtant le nombre d’enfants ne change pas : ils sont toujours 30…

Parmi eux, Emile, Paul, Jeanne et Victor. Les quatre enfants se lient d’amitié et sont bien décidés à s’échapper et à révéler le terrible secret de leurs geôliers.

Résumé

BD jeunesse la pension moreau, tome 2, la peur au ventre
La Pension Moreau, Tome 2: « La peur au ventre »

Dans le tome 1, « Les enfants terribles », Emile, un petit garçon rêveur, arrive à la pension Moreau où il va partager sa chambre avec trois autres enfants: Paul, le rebelle, et Jeanne et Victor, deux orphelins. Avec eux, il découvre la vie à la Pension Moreau. Peu bavard, il passe son temps à dessiner, ce qui irrite les professeurs et intrigue ses trois nouveaux amis.

Le tome 2, « La peur au ventre », s’ouvre avec le retour de Paul après deux mois passés au cachot. Plus révoltés que jamais, les quatre enfants préparent la résistance. Un soir, lors d’une escapade dans la forêt, Emile assiste à une scène inquiétante… Les enfants décident alors d’organiser leur évasion…

Alors, ce Paul, ça lui a fait du bien le cachot? – Je crois que oui.
– De toute façon, nous ne pourrons pas garder très longtemps cette racaille. La pension a des impératifs. Il faut faire de la place pour accueillir les nouveaux.
– C’est sûr. Alors autant se débarrasser rapidement des petites vermines.
– Un des prochains sur la liste. Bon voyage, Paul! – Ah! Ah! Ah! (T2, p.6)

« La chasse à l’enfant »…

Le troisième et dernier tome de la série, « La chasse à l’enfant », est prévu courant 2019. Le titre fait référence au poème de Jacques Prévert écrit en 1934-35 en réaction à la mutinerie qui a lieu la même année à Belle-Ile-en-Mer dans un bagne pour enfants. Suite à une évasion collective, les autorités organisent une énorme battue sur l’île pour capturer les enfants. Attirés par les 20 francs offerts en échange de leur aide, de nombreux habitants de l’île et touristes participent à la recherche. La cinquantaine d’enfants est retrouvée.

Article bagne pour enfants 1934 Belle-Ile-en-Mer
Article sur l’évasion collective du bagne pour enfants à Belle-Ile-en-Mer, 1934

Le poème de Prévert sera mis en musique par Joseph Kosma et chanté par Marianne Oswald.

Tout au long du livre, des extraits du poème apparaissent, notamment lorsque le Professeur Turoc écoute la chanson sur son gramophone dans son bureau.

Entre fiction et Histoire

Cette trilogie est une des BD jeunesse qui m’a le plus marquée récemment. D’abord attirée par le graphisme, j’ai ensuite vraiment beaucoup aimé le scénario.

Le dessin et les couleurs créent une atmosphère sombre (comme j’aime) tandis que le choix de dessiner les professeurs et autres bourreaux sous forme d’animaux permet d’aller plus loin encore dans la représentation de la violence et de l’horreur. Toute proportion gardée, on peut penser aux personnages anthropomorphes dans la BD MAUS de Spiegelman ou encore dans le roman « La ferme des animaux » (1945) de George Orwell – deux œuvres majeures qui traitent de l’Histoire (dans toute son horreur) en utilisant la fiction, voire l’allégorie. « La Pension Moreau » tend peut-être vers ce genre-là, bien que plus simplement. C’est aussi le récit d’une période méconnue de l’Histoire française, durant laquelle des enfants, souvent orphelins, étaient envoyés dans des colonies pénitentiaires – des bagnes pour enfants – et y subissaient les pires sévices.

La pension moreau, planche1, tome 1. Jacques Prévert
La Pension Moreau, Tome 1, p.1. Paroles de « La Chasse à l’Enfant », de J. Prévert.

L’atmosphère froide et austère se ressent aussi à travers le texte, principalement les dialogues : le ton est souvent assez froid, les phrases courtes, les mots durs voire cruels, le tout sur un fond assez silencieux. Seules les conversations entre les enfants ramènent un peu de douceur, mais toujours dans une certaine économie de mots. Le texte est entrecoupé de passages du poème de Prévert, comme un refrain lancinant qui permettra au lecteur curieux de découvrir la vraie histoire qu’il y a derrière cette BD jeunesse.

Après la lecture…

En effet, rien dans « La Pension Moreau » à part le poème de Prévert ne laisse imaginer la sombre réalité derrière la fiction. C’est seulement en écrivant cet article et en me renseignant sur ce poème que j’ai appris que l’histoire était basée sur un fait réel… Cela jette évidement une toute autre lumière sur le scénario et le choix de découpage de la série. L’histoire elle-même prend une autre dimension et est l’occasion d’un vrai travail pédagogique avec les enfants : Histoire, violence, amitié, respect de l’autorité,… autant de thèmes à aborder en classe ou à la maison ! Une expo (à caractère didactique) est d’ailleurs prévue pour 2019, avis aux enseignants, bibliothécaires et libraires! 

3 tomes, 1 intrigue

Et concernant le découpage, je dois dire que j’étais restée à chaque fois un peu sur ma faim une fois arrivée au bout des 2 premiers albums. L’intrigue est en effet étalée sur les 3 tomes, mais individuellement, les différents tomes n’ont pas d’intrigue propre, ce que je regrette un peu. La mise en place de l’ambiance et la présentation des personnages occupe le tome 1, tandis que le tome 2 voit les enfants se mettre en action, avec un sentiment que l’action va vraiment commencer dans le tome 3. Bon, le point positif, c’est qu’on attend la suite avec impatience ! Vivement 2019 !

Filez vite vous procurer les 2 premiers tomes pour être prêts lorsque le 3ème sortira (si c’est comme les deux premiers, ce sera pour début d’année!) !

Une belle série originale à découvrir dès 7 ans.

Le scénario est écrit par Benoît Broyart.
Et les dessins sont de Marc Lizano, dessinateur, illustrateur et scénariste jeunesse, BD et presse (Bayard, Milan…)
Publié aux Editions de la Gouttière

Tome 1 : « Les enfants terribles », 2017. 48 pg. 14EUR
Tome 2 : « La peur au ventre », 2018. 48 pg. 14EUR

Pour aller plus loin :

– Emission radio: « Au coeur de l’histoire: les bagne des enfants » de Franck Ferrand (13 juillet 2017)
Article: « Les colonies pénitentiaires pour mineurs : des ‘bagnes’ pour enfants. l’exemple de Belle-Île-en-Mer (1880-1977). »
Ici, on mentionne aussi le film de Marcel Carné, « La Fleur de l’Âge » (1947) qui n’a finalement jamais vu le jour.

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